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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/34

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le toucher dans l’homme, l’odorat dans le quadrupède, et l’œil dans l’oiseau, sont les premiers sens, c’est-à-dire ceux qui sont les plus parfaits, ceux qui donnent à ces différents êtres les sensations dominantes.

Après la vue, l’ouïe me paraît être le second sens de l’oiseau, c’est-à-dire le second par la perfection ; l’ouïe est non seulement plus parfaite que l’odorat, le goût et le toucher dans l’oiseau, mais même plus parfaite que l’ouïe des quadrupèdes ; on le voit par la facilité avec laquelle la plupart des oiseaux retiennent et répètent des sons et des suites de sons, et même la parole ; on le voit par le plaisir qu’ils trouvent à chanter continuellement, à gazouiller sans cesse, surtout lorsqu’ils sont le plus heureux, c’est-à-dire dans le temps de leurs amours ; ils ont les organes de l’oreille et de la voix plus souples et plus puissants ; ils s’en servent aussi beaucoup plus que les animaux quadrupèdes. La plupart de ceux-ci sont fort silencieux, et leur voix, qu’ils ne font entendre que rarement, est presque toujours désagréable et rude ; dans celle des oiseaux, on trouve de la douceur, de l’agrément, de la mélodie ; il y a quelques espèces dont, à la vérité, la voix paraît insupportable, surtout en la comparant à celle des autres, mais ces espèces sont en assez petit nombre, et ce sont les plus gros oiseaux que la nature semble avoir traités comme les quadrupèdes, en ne leur donnant pour voix qu’un seul ou plusieurs cris, qui paraissent d’autant plus rauques, plus perçants et plus forts, qu’ils ont moins de proportion avec la grandeur de l’animal ; un paon, qui n’a pas la centième partie du volume d’un bœuf, se fait entendre de plus loin ; un rossignol peut remplir de ses sons tout autant d’espace qu’une grande voix humaine : cette prodigieuse étendue, cette force de leur voix dépend en entier de leur conformation, tandis que la continuité de leur chant ou de leur silence ne dépend que de leurs affections intérieures : ce sont deux choses qu’il faut considérer à part.

L’oiseau a d’abord les muscles pectoraux beaucoup plus charnus et plus forts que l’homme ou que tout autre animal, et c’est par cette raison qu’il fait agir ses ailes avec beaucoup plus de vitesse et de force que l’homme ne peut remuer ses bras ; et en même temps que les puissances qui font mouvoir les ailes sont plus grandes, le volume des ailes est aussi plus étendu, et la masse plus légère, relativement à la grandeur et au poids du corps de l’oiseau ; de petits os vides et minces[NdÉ 1], peu de chair, des tendons fermes et des plumes avec une étendue souvent double, triple et quadruple de celle du diamètre du corps, forment l’aile de l’oiseau, qui n’a besoin que de la réaction de l’air pour soulever le corps, et de légers mouvements pour le soutenir élevé. La plus ou moins grande facilité du vol, ses diffé-

  1. Ajoutons que les os des oiseaux contiennent de l’air et sont en communication avec les poumons par l’intermédiaire des sacs aériens.