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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/372

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bec supérieur ; la tête n’était point nue comme celle du dindon, mais couverte de petites plumes fort courtes ; les yeux étaient entourés d’un cercle de peau rouge, mais moins large que dans le faisan : on ne dit point si cet oiseau relevait les grandes plumes de la queue pour faire la roue ; il paraît seulement par la figure qu’il la portait ordinairement comme la porte le dindon lorsqu’il est tranquille : au reste, il est à remarquer qu’il n’avait la queue composée que de seize plumes comme celle du coq de bruyère ; tandis que celle des dindons et des faisans en a dix-huit : d’ailleurs chaque plume du corps était double sur une même racine, l’une ferme et plus grande, l’autre petite et duvetée, caractère qui ne convient ni au faisan ni au dindon, mais bien au coq de bruyère et au coq commun. Si cependant l’oiseau dont il s’agit tirait son origine du mélange du faisan avec le dindon, il semble qu’on aurait dû retrouver en lui comme dans les autres mulets : premièrement les caractères communs aux deux espèces primitives ; en second lieu, des qualités moyennes entre leurs qualités opposées, ce qui n’a point lieu ici, puisque le prétendu mulet de M. Edwards avait des caractères qui manquaient absolument aux deux espèces primitives (les plumes doubles), et qu’il manquait d’autres caractères qui se trouvaient dans ces deux espèces (les dix-huit plumes de la queue) ; et si l’on voulait absolument une espèce métisse, il y aurait plus de fondement à croire qu’elle dérive du mélange du coq de bruyère et du dindon, qui, comme je l’ai remarqué, n’a que seize pennes à la queue, et qui a les plumes doubles comme notre prétendu mulet.

Les dindons sauvages ne diffèrent des domestiques qu’en ce qu’ils sont beaucoup plus gros et plus noirs[1] : du reste, ils ont les mêmes mœurs, les mêmes habitudes naturelles, la même stupidité ; ils se perchent dans les bois sur les branches sèches, et lorsqu’on en fait tomber quelqu’un d’un coup d’arme à feu, les autres restent toujours perchés, et pas un seul ne s’envole. Selon Fernandès, leur chair, quoique bonne, est plus dure et moins agréable que celle des dindons domestiques, mais ils sont deux fois plus gros : hucxolotl est le nom mexicain du mâle, et cihuatotolin le nom de la femelle[2]. Albin nous apprend qu’un grand nombre de seigneurs anglais se plaisent à élever des dindons sauvages, et que ces oiseaux réussissent assez bien partout où il y a de petits bois, des parcs ou autres enclos[3].

  1. La coloration du dindon sauvage de Virginie diffère beaucoup de celle de notre dindon domestique ; elle est d’un brun verdâtre glacé de cuivre. C’est bien cette couleur qui fait le fond du plumage des dindons domestiques, mais la coloration de ces derniers varie beaucoup ; elle est tantôt noire, tantôt grise, souvent blanchâtre ; il existe souvent des bandes alternativement blanches et grises avec des reflets brillants. Il s’est produit, chez le dindon, le même fait que dans tous les oiseaux domestiques, la coloration est devenue très variable, tandis que dans les formes sauvages elle reste fixe.
  2. Fr. Fernandès, Historia avium novæ Hispaniæ, p. 27.
  3. Albin, liv. ii, no xxxiii.