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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/374

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plus estimées[1] : d’où on a donné à l’espèce le nom de poule numidique par excellence.

Columelle en reconnaissait de deux sortes qui se ressemblaient en tout point, excepté que l’une avait les barbillons bleus, et que l’autre les avait rouges ; et cette différence avait paru assez considérable aux anciens pour constituer deux espèces ou races désignées par deux noms distincts : ils appelaient méléagride la poule aux barbillons rouges, et poule africaine celle aux barbillons bleus[2], n’ayant pas observé ces oiseaux d’assez près pour s’apercevoir que la première était la femelle, et la seconde le mâle d’une seule et même espèce, comme l’ont remarqué MM. de l’Académie[3].

Quoi qu’il en soit, il paraît que la peintade, élevée autrefois à Rome avec tant de soin, s’était perdue en Europe, puisqu’on n’en retrouve plus aucune trace chez les écrivains du moyen âge, et qu’on n’a recommencé à en parler que depuis que les Européens ont fréquenté les côtes occidentales de l’Afrique, en allant aux Indes par le cap de Bonne-Espérance[4] : non seulement ils l’ont répandue en Europe, mais ils l’ont encore transportée en Amérique, et cet oiseau ayant éprouvé diverses altérations dans ses qualités extérieures par les influences des divers climats, il ne faut pas s’étonner si les modernes, soit naturalistes, soit voyageurs, en ont encore plus multiplié les races que les anciens.

Frisch distingue, comme Columelle, la peintade à barbillons rouges de celle à barbillons bleus[5], mais il reconnaît entre elles plusieurs autres différences ; selon lui, cette dernière, qui ne se trouve guère qu’en Italie, n’est point bonne à manger, elle est plus petite, elle se tient volontiers dans les endroits marécageux, et prend peu de soin de ses petits : ces deux derniers traits se retrouvent dans la méléagride de Clytus de Milet : « On les tient, dit-il, dans un lieu aquatique, et elles montrent si peu d’attachement pour leurs petits, que les prêtres commis à leur garde sont obligés de prendre soin de la couvée ; » mais il ajoute que leur grosseur est celle d’une poule de belle race[6] : il paraît aussi, par un passage de

  1. Ibidem, cap. xlviii. « Quam plerique numidicam dicunt. » Columelle.
  2. « Africana gallina est meleagridi similis nisi quod rutilam paleam et cristam capite gerit, quæ utraque sunt in meleagride cærulea. » Voyez Columelle, De re rusticâ, lib. xiii, cap. ii.
  3. Voyez Mémoires pour servir à l’histoire naturelle des animaux, dressés par M. Perrault, deuxième partie, p. 82.
  4. « Tout ainsi comme la Guinée est un pays dont les marchands ont commencé à apporter plusieurs marchandises qui étaient auparavant inconnues à nos Français, aussi, sans leurs navigations, les poules de ce pays-là étaient inconnues, n’eût été qu’ils leur ont fait passer la mer, qui maintenant sont j’a si fréquentes ès maisons des grands seigneurs en nos contrées, qu’elles nous en sont communes. » Voyez Belon, Hist. nat. des oiseaux, p. 246.
  5. Voyez le Discours relatif à la planche cxxvi de Frisch.
  6. « Locus ubi aluntur, palustris est ; pullos suos nullo amoris affectu hæc ales prosequitur, et teneros adhuc negligit, quare à sacerdotibus curam eorum geri oportet. » Voyez Athénée, liv. xiv, cap. xxvi.