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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/442

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on veut les avancer, on leur donnera le matin à jeun, tous les cinq jours, des fèves légèrement grillées, selon le précepte de Columelle[1].

La femelle pond ses œufs peu de temps après qu’elle a été fécondée ; elle ne pond pas tous les jours, mais seulement de trois ou quatre jours l’un. Elle ne fait qu’une ponte par an, selon Aristote[2], et cette ponte est de huit œufs la première année, et de douze les années suivantes ; mais cela doit s’entendre des paonnes à qui on laisse le soin de couver elles-mêmes leurs œufs et de mener leurs petits, au lieu que, si on leur enlève leurs œufs à mesure qu’elle pondent pour les faire couver par des poules vulgaires, elles feront trois pontes, selon Columelle[3] : la première de cinq œufs, la seconde de quatre, et la troisième de deux ou trois. Il paraît qu’elles sont moins fécondes dans ce pays-ci, où elles ne pondent guère que quatre ou cinq œufs par an ; et qu’au contraire elles sont beaucoup plus fécondes aux Indes, où, selon Pierre Martyr, elles en pondent de vingt à trente, comme je l’ai remarqué plus haut. C’est que, en général, la température du climat a beaucoup d’influence sur tout ce qui a rapport à la génération, et c’est la clef de plusieurs contradictions apparentes qui se trouvent entre ce que disent les anciens et ce qui se passe sous nos yeux. Dans un pays plus chaud les mâles seront plus ardents, ils se battront entre eux, il leur faudra un plus grand nombre de femelles, et celles-ci pondront un plus grand nombre d’œufs ; au lieu que dans un pays plus froid elles seront moins fécondes, et les mâles moins chauds et plus paisibles.

Si on laisse à la paonne la liberté d’agir selon son instinct, elle déposera ses œufs dans un lieu secret et retiré : ses œufs sont blancs et tachetés comme ceux de dinde, et à peu près de la même grosseur ; lorsque sa ponte est finie, elle se met à couver.

On prétend qu’elle est sujette à pondre pendant la nuit, ou plutôt à laisser échapper ses œufs de dessus le juchoir où elle est perchée[4] : c’est pour-

  1. « Semel tantum modo ova parit duodecim aut paulo pauciora, nec continuais diebus sed binis ternisve interpositis. » Hist. animal., lib. vi, cap. ix. — « Primiparæ octona maxime edunt. » Ibidem.
  2. Aristote dit qu’une poule ordinaire ne peut guère faire éclore que deux œufs de paon ; mais Columelle lui en donnait jusqu’à cinq, et outre cela quatre œufs de poule ordinaire, plus ou moins cependant, selon que la couveuse était plus ou moins grande : il recommandait de retirer ces œufs de poule le dixième jour, et d’en substituer un pareil nombre de même espèce, récemment pondus, afin qu’ils vinssent à éclore en même temps que les œufs de paon, qui ont besoin de dix jours d’incubation de plus : enfin, il prescrivait de retourner ceux-ci tous les jours si la couveuse n’avait pu le faire à cause de leur grosseur ; ce qu’il est toujours aisé de reconnaître, si l’on a eu la précaution de marquer ces œufs d’un côté. Voyez Columelle, de Re rusticâ, loco citato.
  3. « Feminæ Pavones quæ non incubant, ter anno partus edunt : primus est partus quinque fere ovorum, secundus quatuor, tertius trium aut duorum. » Columelle, de Re rusticâ, lib. viii, cap. xi.
  4. « Pluribus stramentis exagerandum est aviarium quo tutius integri fœtus excipiantur, nam pavones cùm ad nocturnam requiem venerunt… perticis insistentes enituntur ova… » Columelle, lib. viii, cap. xi.