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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/498

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circonstance, on donne le nom de chanterelle : la meilleure, pour cet usage, est celle qui a été prise vieille ; les mâles accourent à sa voix et se livrent aux chasseurs, ou donnent dans les pièges qu’on leur a tendus : cet appeau naturel les attire si puissamment, qu’on en a vu venir sur le toit des maisons et jusque sur l’épaule de l’oiseleur. Parmi les pièges qu’on peut leur tendre pour s’en rendre maître, le plus sûr et le moins sujet à inconvénients, c’est la tonnelle, espèce de grande nasse où sont poussées les perdrix par un homme déguisé à peu près en vache, et, pour que l’illusion soit plus complète, tenant en sa main une de ces petites clochettes qu’on met au cou du bétail[1] : lorsqu’elles sont engagées dans les filets, on choisit à la main les mâles superflus, quelquefois même tous les mâles, et on donne la liberté aux femelles.

Les perdrix grises sont oiseaux sédentaires, qui non seulement restent dans le même pays, mais qui s’écartent le moins qu’ils peuvent du canton où ils ont passé leur jeunesse, et qui y reviennent toujours : elles craignent beaucoup l’oiseau de proie ; lorsqu’elles l’ont aperçu, elles se mettent en tas les unes contre les autres et tiennent ferme, quoique l’oiseau, qui les voit aussi fort bien, les approche de très près en rasant la terre pour tâcher d’en faire partir quelqu’une et de la prendre au vol. Au milieu de tant d’ennemis et de dangers, on sent bien qu’il en est peu qui vivent âge de perdrix : quelques-uns fixent la durée de leur vie à sept années et prétendent que la force de l’âge et le temps de la pleine ponte est de deux à trois ans, et qu’à six elles ne pondent plus. Olina dit qu’elles vivent douze ou quinze ans.

On a tenté avec succès de les multiplier dans les parcs pour en peupler ensuite les terres qui en étaient dénuées, et l’on a reconnu qu’on pouvait les élever à très peu près comme nous avons dit qu’on élevait les faisans : seulement il ne faut pas compter sur les œufs des perdrix domestiques. Il est rare qu’elles pondent dans cet état, encore plus rare qu’elles s’apparient et s’accouplent, mais on ne les a jamais vues couver en prison, je veux dire renfermées dans ces parquets où les faisans multiplient si aisément. On est donc réduit à faire chercher par la campagne des œufs de perdrix sauvages, et à les faire couver par des poules ordinaires : chaque poule peut en faire éclore environ deux douzaines, et mener pareil nombre de petits après qu’ils sont éclos ; ils suivront cette étrangère comme ils auraient suivi leur propre mère, mais ils ne reconnaissent pas si bien sa voix : ils la reconnaissent cependant jusqu’à un certain point, et une perdrix ainsi élevée en conserve toute sa vie l’habitude de chanter aussitôt qu’elle entend des poules[NdÉ 1].

  1. Voyez Olina, p. 57.
  1. Les perdrix grises paraissent être susceptibles non seulement de s’apprivoiser, mais encore de manifester une très vive affection pour les personnes qui leur donnent des soins. Brucklacher en raconte un exemple très frappant. « Une starne grise, dit-il, s’était très attachée à un jeune garçon. Quand celui-ci revenait à la maison après une absence de quelques