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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/662

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tout ce qu’on peut dire de raisonnable, d’après les faits les plus avérés, c’est que les oiseaux de Paradis qui nous viennent des Indes ne sont pas tous également conservés, ni tous parfaitement semblables ; qu’on trouve en effet de ces oiseaux plus petits ou plus grands ; d’autres qui ont les plumes subalaires et les filets de la queue plus ou moins longs, plus ou moins nombreux ; d’autres qui ont ces filets différemment posés, différemment conformés, ou qui n’en ont point du tout ; d’autres, enfin, qui diffèrent entre eux par les couleurs du plumage, par des huppes ou touffes de plumes, etc., mais que dans le vrai il est difficile, parmi ces différences aperçues dans des individus presque tous mutilés, défigurés, ou du moins mal desséchés, de déterminer précisément celles qui peuvent constituer des espèces diverses, et celles qui ne sont que des variétés d’âge, de sexe, de saison, de climat, d’accident, etc.

D’ailleurs, il faut remarquer que les oiseaux de Paradis étant fort chers comme marchandise, à raison de leur célébrité, on tâche de faire passer sous ce nom plusieurs oiseaux à longue queue et à beau plumage, auxquels on retranche les pieds et les cuisses pour en augmenter la valeur. Nous en avons vu ci-dessus un exemple dans le rollier de Paradis, cité par M. Edwards, planche cxii, et auquel on avait accordé les honneurs de la mutilation : j’ai vu moi-même des perruches, des promérops, d’autres oiseaux qu’on avait ainsi traités, et l’on en peut voir plusieurs autres exemples dans Aldrovande et dans Seba[1]. On trouve même assez communément de véritables oiseaux de Paradis qu’on a tâché de rendre plus singuliers et plus chers en les défigurant de différentes façons. Je me contenterai donc d’indiquer, à la suite des deux espèces principales, les oiseaux qui m’ont paru avoir assez de traits de conformité avec elles pour y être rapportés, et assez de traits de dissemblance pour en être distingués, sans oser décider, faute d’observations suffisantes, s’ils appartiennent à l’une ou à l’autre, ou s’ils forment des espèces séparées de toutes les deux.


  1. La seconde espèce de manucodiata d’Aldrovande (t. Ier, p. 811 et 812) n’a ni les filets de la queue, ni les plumes subalaires, ni la calotte de velours, ni le bec, ni la langue des oiseaux de Paradis ; la différence est si marquée que M. Brisson s’est cru fondé à faire de cet oiseau un guêpier : cependant on l’avait mutilé comme un oiseau de Paradis. À l’égard de la cinquième espèce du même Aldrovande, qui est certainement un oiseau de Paradis, c’est tout aussi certainement un individu non seulement mutilé, mais défiguré. — Des dix oiseaux représentés et décrits par Seba sous le nom d’oiseaux de Paradis, il n’y en a que quatre qui puissent être rapportés à ce genre ; savoir, ceux des planches xxxviii, fig. 5 ; lx, fig. 1, et lxiii, fig. 1 et 2. Celui de la planche xxx, fig. 5, n’est point oiseau de Paradis, et n’a aucun de ses attributs distinctifs, non plus que ceux des planches xlvi et lii : ce dernier est la vardiole dont j’ai parlé à l’article des pies. Ces trois espèces ont à la queue deux pennes excédantes très longues, mais qui, étant emplumées dans toute leur longueur, ressemblent peu aux filets des oiseaux de Paradis. Les deux de la planche lx, fig. 2 et 3, ont aussi les deux longues pennes excédantes et garnies de barbes dans toute leur longueur ; et, de plus, ils ont le bec de perroquet ; ce qui n’a pas empêché qu’on ne leur ait arraché les pieds comme à des oiseaux de Paradis : enfin, celui de la planche lxvi, non seulement n’est point un oiseau de Paradis, mais n’est pas même du pays de ces oiseaux, puisqu’il était venu à Seba des îles Barbades.