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Page:Buies - Au portique des Laurentides, 1891.djvu/44

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UNE PAROISSE MODERNE

jamais irréparable et un vide affreux s’élargir sans cesse autour de moi, dans mon existence entière.

Les espérances et les ambitions, dont je me plaisais à entourer les frêles berceaux de mes enfants, sont en déroute. Devant cette mort si soudaine, si imprévue, je reste comme éperdu, indifférent à toutes choses, ne sachant plus de quel côté tourner les yeux ni à quoi me rattacher désormais. S’il a suffi d’une heure pour jeter dans le néant ce colosse de vie et de force, qui semblait pétrir comme à son gré l’argile humaine, et faire mouvoir à sa discrétion tant de ressorts inaccessibles à tout autre, qu’y a-t-il donc qui vaille le moindre effort de la volonté, de cette ambition, qu’on appelle noble et légitime, afin de se donner les ailes de l’illusion et de s’entourer de mirages décevants ? Ah ! ne nous laissons pas aller à des abattements indignes de celui qui n’a pas défailli un seul jour, et qui, cependant, a marché vingt ans dans les plus étroits et les plus difficiles passages. Aimons comme lui la patrie et nos compatriotes, sans songer à nous-mêmes. Une individualité, ce n’est rien, rien ; un peuple, c’est encore quelque chose. Laissons-nous frapper sans murmure par la main d’une Providence sans