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Page:Buies - Au portique des Laurentides, 1891.djvu/51

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LE CURÉ LABELLE

l’enfant bégaie au sortir du berceau et le dernier qu’exhale l’homme de cœur expirant, en entrant dans la tombe.

Ses amis, ses intimes seuls savent ce qu’eut de douloureux et de poignant pour lui la nouvelle venue tout à coup de Rome, à l’heure même où il croyait son rêve plus que jamais réalisé. On vit l’homme fort par-dessus tous décliner et s’affaisser petit à petit, comme s’il enfonçait graduellement dans une marée montante, sans que rien autour de lui pût le retenir. Il éprouva le vertige du vide et du néant des choses humaines ; il ouvrit tout grands les yeux sur sa destinée, sur sa raison d’être, sur la seule et unique mission qu’il avait été appelé à remplir en ce monde, il sentit que tout était fini pour lui désormais et il ne songea plus qu’à se retirer, à se retirer tellement qu’il voulait abandonner sa cure et se réfugier dans un ermitage, au fond du canton Salaberry, sous l’ombre épaisse de la « Montagne Tremblante, » loin de tous les bruits humains. Pauvre cœur blessé ! Dieu lui épargna de donner à notre peuple ce spectacle d’un désenchantement que l’on eût peut-être mépris pour de l’amertume, et qui eût jeté une ombre douteuse sur une vie toute de lumière et de vérité.