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Page:Buies - Au portique des Laurentides, 1891.djvu/68

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LE CURÉ LABELLE

tout en elle seule. C’est cette absorption entière dans une idée maîtresse de tout son être qui donnait au curé ces monumentales distractions qu’on a racontées si souvent, et dont quelques unes sont absolument authentiques, quelque invraisemblables qu’elles puissent paraître. On a beaucoup craint ces distractions pour lui lorsqu’il lui faudrait officier dans ses habits sacerdotaux de Monsignor. Ceux qui l’avaient toujours vu dans ce négligé inconscient qui semblait inséparable de sa personne, ceux qui connaissaient non pas son dédain, mais son ignorance majestueuse des détails encombrants de la toilette, se demandaient avec anxiété comment il arriverait à se parer de la soutane violette et de tous ses accessoires. Habitué à toutes les aises d’une grande vie libre, dans un pays de montagnes, habitué à parcourir les bois, des contrées rudimentaires, difficiles, encore aux trois quarts sauvages, et à être en contact presque journalier avec les populations habitant ces mêmes contrées, habitué enfin à ne faire jamais qu’une très petite part aux soins extérieurs et à porter, comme bon lui semblait, jusque dans les quartiers les plus fréquentés des villes, le même vêtement qui avait essuyé avec lui les intempéries de plus d’une saison, il pourrait difficilement, craignait-on, se