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Page:Buies - Au portique des Laurentides, 1891.djvu/82

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LE CURÉ LABELLE

Un soir je revenais de ma marche habituelle, après un souper longuement prolongé par un entretien qui m’avait laissé une impression singulière, impression indéfinissable que je ressentais également en moi et en dehors de moi, et qui m’attirait et m’étreignait par des milliers de points à la fois dans un cercle mystérieux et magnétique. Jamais la grande énigme de la vie présente et de la vie future ne s’était dressée devant moi avec une pareille intensité et un pareil empire. Le « curé » avait parlé de la création, de la destinée de l’homme, des deux principes, le bien et le mal, qui se disputent l’univers, de la main de la Providence, toujours sensible et toujours invisible… J’étais sorti, remué et tourmenté. Les paroles du curé m’obsédaient…

Ce soir-là, au lieu d’aller droit devant moi, comme d’ordinaire, sur la grande route, j’allai au hasard des rues, inconsciemment, poursuivi sans relâche par l’impression qui m’avait envahi et subjugué. À mon retour, en ouvrant la grille du parterre planté de grands arbres, qui s’étend en face du presbytère, j’entendis le curé qui se promenait lentement, à pas mesurés et réguliers sur sa galerie.