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Page:Buies - Au portique des Laurentides, 1891.djvu/92

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LE CURÉ LABELLE

per de sa prison, s’élever et puis rapidement disparaître, comme si l’air l’avait aspirée.


Le curé avait été le parrain de mon premier-né, emporté par une mort étrange avant qu’une année seulement eût passé sur sa tête. Subitement, comme dans un éclair, je le vis tel qu’à l’instant de sa naissance, puis porté à l’église puis traversant sa pauvre petite existence si courte, semée pour nous d’alarmes et de joies indicibles, puis se débattant, aux prises avec une agonie sans remède, dans les bras de sa mère impuissante à conjurer l’affreux spectre sans regard qui s’avançait pas à pas pour le saisir. Tous ces souvenirs, toutes ces images heureuses et poignantes passèrent à la fois devant mes yeux et je me trouvai transporté aussi en même temps dans un autre cimetière, celui de Belmont, où j’étais allé quelques mois auparavant, pendant que l’on procédait à l’inhumation des corps qui avaient été déposés, durant l’hiver, dans le charnier. Parmi eux était celui de mon premier-né, arraché du livre de vie comme je commençais tout juste à recueillir ses premiers sourires et à l’entendre essayer ses premiers accents.

J’étais allé voir ce que cette mort odieuse,