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Page:Buies - Au portique des Laurentides, 1891.djvu/94

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LE CURÉ LABELLE

Ce qu’elle avait fait, la hideuse mort !… Je l’ai trop vu, je le revois trop souvent, trop souvent encore. Non, jamais une âme rachetée par un dieu ne saurait être un millième de seconde la proie de cet ignoble vampire qui se plaît à tout défigurer et à donner des traits horribles à l’innocence elle-même. Aussi ne veux-je plus te revoir que dans l’infini d’azur, ô mon enfant, là où est allé te retrouver celui qui fut ton second père ici-bas. Va de monde en monde, vole de rayons en rayons, emporté dans les larges ailes de celui qui devait te couvrir de son aile sur la terre. Et moi qui te rejoindrai bientôt, je ne crains pas que l’horrible mort, qu’il me faudra subir à mon tour, jette un instant d’ombre sur les splendeurs éternelles que mon âme devine et qu’elle aspire d’avance, comme fait l’exilé de l’air du sol natal vers lequel il retourne…

Le livre de ma vie, je le sens, se referme maintenant sur moi rapidement, page par page. Les jours qui me séparent des amis qui ne sont plus, et dont j’ai longtemps contemplé le sillage laissé derrière eux, ne sont plus désormais ni bien nombreux ni bien longs à parcourir. Ma tâche ici-bas, que j’ai bien des fois désertée à la poursuite d’ombres funestes, me réclame aujourd’hui et s’impose à moi impérieusement. Je ne puis