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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/119

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CHRONIQUES

celles qui n’ont jamais fléchi. On ne s’attendait pas à la voir sitôt s’appesantir sur le glorieux vieillard, mais, pendant que le télégraphe nous donnait des espérances décevantes, elle préparait déjà son linceul. Il s’est éteint loin des hommes, dans cette éloquente solitude de Montebello devenue le pélerinage de tant d’esprits distingués, de tant de jeunes gens doués et ambitieux qui voulaient au moins entendre une fois l’illustre retiré, et savoir de lui le secret de la véritable grandeur qui n’est ni dans le génie, ni dans la gloire, mais dans le caractère.

M. Papineau est mort depuis trois jours déjà, et nous pouvons encore à peine le croire. Cette mort est une surprise ; le spectre est venu à l’improviste, furtivement, par derrière, et il a frappé un coup inattendu, sans doute pour se venger des mépris de l’illustre défunt. M. Papineau n’avait pas d’égards pour la vie physique, et, à l’âge de 85 ans, il traitait son corps comme un esclave toujours soumis, toujours prêt aux plus rudes labeurs.

Il en a été victime, il a payé le tribut commun à tous les hommes, et maintenant cette existence unique de près d’un siècle est engloutie au fond d’une tombe lointaine, isolée, inconnue à beaucoup de contemporains, mais où l’oubli, certes, n’arrivera jamais.

Qu’il dorme en paix le titan vaincu ! Ne troublons pas par des regrets vulgaires cette grande âme qui se repose dans l’éternité ; ne versons pas d’inutiles regrets, mais allons tous auprès de cette dernière et immuable retraite dans laquelle la mort a enfermé l’idole populaire, chercher ce qui fait la force, l’honneur, la vertu et comment perpétuer tant de nobles exemples.