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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/152

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CHRONIQUES

faire. Ils ne pensent même pas à faire réparer le trottoir devant leurs maisons, encore moins à consacrer leur argent à quelque entreprise ou à quelque amélioration lucrative. Mais ils le prêtent à 6 ou 7 pour cent, et prient le Seigneur de leur accorder longue vie. Les gens les plus occupés de Québec sont les policemen, ou, comme ils s’intitulent eux-mêmes, sergents-de-ville ; ils ont toutes les peines du monde à faire enlever les ordures des cours, et emploient les trois quarts du jour à voir s’il n’y a pas des toits qui menacent de crouler ou des pierres qui se détachent des murs. Heureux sommes-nous de les avoir !

Si les Canadiens du pays se plaignent encore de la sécheresse, c’est qu’ils sont aussi incorrigibles qu’insatiables. Il a plu dans notre district cinq jours par semaine depuis le 1er mai, ce qui n’empêchera pas qu’on entende dire pendant trois mois que le grain n’a pu venir, faute de pluie. Un des traits saillants de notre peuple, c’est de n’être jamais satisfait. Qu’on lui montre des travaux à faire, de l’ouvrage en quantité, des richesses à acquérir, tout cela ne vaut rien si ça se trouve en Canada ; il faut aller le chercher aux États-Unis ; à ce point que pour les grandes entreprises publiques qui seront mises à exécution cette année même, il va falloir aller chez nos voisins, faire ce qu’ils ont fait chez nous depuis si longtemps, chercher des hommes

L’émigration des Canadiens n’est pas un besoin, c’est une manie ; le fait est que c’est pis. Elle n’a qu’une seule et unique cause, le plaisir de grogner. Voilà.