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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/16

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d’orteils écrasés entre deux madriers de trottoirs. La boue des rues s’est durcie depuis hier, de sorte qu’au lieu d’éclabousser quand elle vous jaillit au visage, elle vous casse une dent ou vous crève un œil ; il n’y a que l’embarras du choix. On avait craint beaucoup l’apparition de la petite vérole ; dimanche dernier les curés avaient fait les plus vives recommandations sur ce sujet à tous les prônes. Recherches faites, on a trouvé que la petite vérole en question se réduisait à deux cas de jaunisse. Rien n’est tel que de prendre ses précautions.

Il vient de paraître une nouvelle brochure sur la colonisation, sujet d’une haute nouveauté. Vous savez que, dans la province de Québec, toute la colonisation se fait par brochures. Celle-ci sort des presses du Courrier de Saint-Hyacinthe. et on y lit les préceptes suivants donnés aux colons comme base fondamentale du développement de notre jeune pays :

1o Un colon doit être sobre et jouir d’un bon caractère.

(Cela, bien-entendu, remplace les instruments aratoires et le petit capital nécessaire pour commencer le défrichement.)

2o Il doit avoir une bonne santé de l’énergie et l’amour du travail.

(Supposons qu’il soit perclus de rhumatismes, mou comme un boudin, paresseux comme un lézard, il n’a pas de chance.)

3o Il doit avoir quelques ressources à sa disposition.

(La brochure du Courrier, probablement, et beaucoup de Petits Albert.)