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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/179

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CHRONIQUES

commence le village des étrangers, populeux, serré, dru, rempli jusqu’aux combles. C’est un village à part ; le faubourg de la paroisse est à trois milles plus loin. Ici, les étrangers sont chez eux, ce village leur appartient ; ils l’ont fondé en quelque sorte, et sans eux, il serait désert.

Il y a dix ou quinze ans, à peine trouvait-on dans cet endroit appelé la Pointe-aux-Pics plus de vingt maisons ; la Malbaie était inconnue du touriste ; depuis, les cottages ont surgi de toutes parts, et chaque année en voit accroître le nombre toujours insuffisant. On ne se fait pas d’idée de l’animation, du mouvement, du va-et-vient continuel de voitures et de promeneurs qui rayent ce court espace d’un mille ; mais tout cela sans l’étalage bruyant, pompeux, raide et fatigant de Cacouna ; ici l’on reste à la campagne et l’on va en déshabillé parmi une foule de deux à trois mille personnes venues de tous les points de notre province et de l’Ontario. La grève est couverte, au beau temps, de baigneurs des deux sexes, et les hôtels regorgent de monde.

Il y a à peu près quatre ou cinq hôtels attitrés : toutes les autres maisons, toutes, remarquez bien, sont louées à des étrangers ou prennent des pensionnaires qui, sans cesse, font place à d’autres. Cela dure à peu près deux mois, le temps que le ciel ingrat nous donne pour dégourdir nos membres figés par six mois d’hiver.

Il faut prendre ce qu’on trouve, s’arranger le plus souvent un lit tant bien que mal, payer modérément, ce qui vous étonnera sans doute, et se faire à tous les