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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/193

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CHRONIQUES

LES ÉBOULEMENTS



8 Août


Me voici maintenant à six lieues de la Malbaie, aux Éboulements, dans un endroit à moitié sorti du chaos primitif. Rien de pareil au monde ; on dirait un cataclysme arrêté court et qui mugit sourdement dans son immobilité. Il y a comme une menace perpétuelle dans ces énormes montagnes qui se dressent sous le regard, tantôt isolées, tantôt reliées en chaînes compactes, et se poursuivant les unes les autres jusque dans un lointain inaccessible. Une charge de montagnes arrêtées tout à coup dans leur élan, voilà l’image de l’endroit où je suis aujourd’hui.

Il y a de l’épouvante et de la colère tout à la fois dans cette nature formidable, et l’on dirait que la main puissante qui la retient frémit. C’est comme un effort gigantesque de tous les jours pour s’affranchir de l’immuable volonté du Créateur, et dont l’impuissance tourne en convulsions horribles. Lorsqu’on débarque sur le rivage des Éboulements, si tant est qu’il y a un rivage au pied de ces montagnes échevelées, on éprouve une invincible crainte de les voir s’écrouler sur sa tête et l’on a besoin de se confier dans les lois éternelles de la création.

J’ai vu les effets des derniers tremblements de terre dans ce pays. Pas une habitation qui ne soit à moitié reconstruite, qui n’ait eu ses cheminées jetées à terre et