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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/20

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et où foisonnait ce rude peuple, plein d’un patriotisme chatouilleux et sur lequel la corruption glissait comme l’eau sur les roches polies. Je devrais dire quartiers en ruines, car c’est à peine si quelques pâtés de maisons en briques, malingres, chétifs, apparaissent sur les emplacements encore noirs des derniers incendies. Çà et là de larges espaces vides que l’industrie ne vient plus animer ; et, cependant, il y avait là autrefois des maisons joyeuses, vivantes, des rues entières où l’on sentait courir le souffle du travail et le mouvement rénovateur ! Quelle décadence ! Et dire que ce reste de peuple qui souffre, qui gémit, qui se lamente, qui comprend qu’il lui faut l’annexion à tout prix, se vendra à la livre au premier braillard intrigant qui lui sera expédié pour les élections !…

Si l’honorable Hector Langevin n’est pas élu par acclamation, ce n’est pas ma faute ni celle de M. Joseph Hamel, négociant en gros et cabaleur en détail de la bonne vieille ville. La candidature de M. Pelletier est devenue un mythe, personne ne s’en occupe ; la liste qu’on devait faire signer en sa faveur est invisible, les gros bonnets qui voulaient l’élire ne se mêlant de rien : « Nous voterons, disent-ils, mais ce n’est pas à nous de nous mettre sur le chemin pour notre candidat. » Et c’est ainsi que ces incomparables citoyens que vous entendez gémir, brailler à cœur de jour, dire qu’il leur faut un changement de régime ou la mort, qu’il faut l’annexion quand même ou aller au diable, c’est ainsi qu’ils changent de régime lorsque la seule occasion favorable s’en offre à eux.