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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/212

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CHRONIQUES

En face de Kamouraska, à un mille seulement du rivage, s’étendent trois îles qui, tous les jours, reçoivent les pique-niqueurs en chaloupes ; il est fortement question de construire à l’une d’elles un petit quai où viendrait atterrir le bateau à vapeur, et d’y bâtir un grand hôtel pour recevoir les voyageurs qui se rendraient à Kamouraska, soit en chaloupe, soit en voiture, à la marée basse. Si ce projet est mis à exécution, Kamouraska deviendra sans contredit avant peu d’années l’endroit fashionable de la rive sud ; on aura bientôt déserté l’ennuyeux Cacouna qui n’est fait que pour les Anglais du dimanche, et qui ne se corrigera jamais de n’être qu’un étalage stupide d’équipages et de toilettes.

Dans ces endroits marqués par la vanité humaine et où le touriste confiant vient se faire victimer, il est impossible de se procurer à souhait les choses qu’on a dans les plus vulgaires campagnes. On y est habitué aux voyageurs qui posent, non à ceux qui viennent se rafraîchir et goûter les avantages de la villégiature. Or, un de ces avantages, il me semble, un des plus naturels et des plus faciles, serait bien d’avoir du lait et de la crème à discrétion ; eh bien ! c’est précisément ce que vous ne pouvez pas vous procurer dans les hôtels de la fashion ; chez les habitants, vous en aurez autant qu’il en faut pour abreuver toute une famille, et cela pour quelques sous ; dans les grands hôtels, ce n’est pas à prix d’or que vous en aurez de quoi vous détremper le larynx. J’en veux à tous ces superbes établissements qui vous vendent l’ennui bruy-