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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/22

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rions au moins disputer les élections, au lieu d’être réduits au rôle d’impuissants dédaignés.

Et savez-vous ce que produit chez des hommes de cœur ce spectacle d’une inertie démoralisante qui laisse tout sacrifier ? le croirez-vous ? Je l’ai entendu dire plusieurs fois déjà par des gens sérieux, de position très respectable : « Les insurgés de Paris ont bien raison : quand on a affaire à un peuple qu’aucune expérience ne peut éclairer, quand on ne voit en haut que des avachis satisfaits auxquels tout soin public répugne, et en bas qu’une masse ignorante prête à bénir sa misère et ceux qui en sont les auteurs, il n’y a qu’une révolution radicale et les violences d’une minorité exaspérée qui puissent changer l’état des choses. » Aussi je vois ces hommes énergiques, dévoués, qui comptaient sur un mouvement annexioniste, devenir sombres, irrités, brefs dans leurs paroles et comme travaillés d’une colère sourde que le dégoût même ne parviendra pas à comprimer longtemps.

Passons à Lévis. Ah ! ici du moins je respire, ici il y a des hommes : il est vrai que ce sont surtout des jeunes, mais il n’y a plus que ceux-là aujourd’hui. Si tous les vieux voulaient céder la place aux jeunes, on referait le parti libéral en un clin-d’œil et l’on retrouverait les bonnes années.

À Lévis, ce n’est pas une lutte d’hommes qui se fait comme dans la plupart des autres comtés, c’est une lutte de principes, c’est l’idée d’annexion représentée par Fréchette contre le statu quo vermoulu ; c’est en-