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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/223

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CHRONIQUES

et si, vraiment, la vengeance est le plaisir des dieux, il y a là de quoi rendre tout le monde fou de joie dans l’Olympe.

Mais si c’est un plaisir ineffable pour Sir George d’être appelé le vaincu du 28 août, qu’est-ce que cela doit donc être pour M. Jetté qui est le vainqueur de la même date ? Il faut reculer ici les bornes de la jouissance humaine et imaginer des raffinements qui ne peuvent se traduire dans aucune langue. Etre vaincu le 28 août, c’est tout ce qu’un homme peut désirer ; mais être vainqueur ce même jour-là, c’est se lancer à pieds joints dans le troisième ciel et s’ébaudir avec les Séraphins.

Malgré tout ce qu’il peut y avoir pour Sir George de délectable à se faire appeler le vaincu du 28 août, moi qui me contente de jouissances purement humaines, je trouve qu’il n’y a rien de comparable à celles que donne en ce moment la lecture des journaux conservateurs. Écoutons encore l’Écho de Lévis qui me fera mourir d’allégresse :

« Sans la défaite qu’il vient de subir à Montréal, Sir George É. Cartier n’eut peut-être jamais deviné la nature et la force du sentiment public à son égard. L’injustice de ses ennemis, l’ingratitude d’une portion trop considérable de ceux qui auraient dù mieux reconnaître ses services, hâteront le jugement de l’histoire sur le compte de cet homme, dont la renommée jettera dans l’ombre tous les noms les plus marquants de notre histoire. Sa grande figure apparaîtra maintenant à cette nouvelle auréole

Et Jacques Cartier, et Champlain, et d’Iberville, et Frontenac, et Montcalm, et Papineau, tout cela, c’est de la pâtée, des objets confus, jetés dans l’ombre