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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/286

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leurs destinations respectives, les gens de la Baie des Chaleurs n’avaient pas encore acquis le degré de civilisation qui est résulté depuis du contact de nombreux éléments étrangers. Une loi féroce, qui n’est pas encore abolie, réglait les rapports commerciaux ; tout homme pouvait vous faire emprisonner pour vingt-cinq centins, que sa créance fut ou non établie ; il n’avait qu’à déposer une plainte et vous étiez emprisonné ou forcé de donner caution. Souvent ces plaintes n’avaient aucun fondement, mais vous étiez tout de même tenu de payer les frais de cour à défaut du poursuivant, s’il n’avait pas le sou ; tel est l’admirable système judiciaire du Nouveau-Brunswick. On se fait un jeu de cette faculté offerte au premier venu et on l’exerce sans discernement, sans motif ; c’est ainsi que MM. Berlinguet et Bertrand se sont vus arrêtés des semaines entières par les caprices barbares de quelques uns de leurs employés. En outre, ils ont dû subir des grèves systématiques, à peine arrivés sur le sol brunswickois ; chacun cherchait à tirer avantage de leur position, de leur isolement dans un pays étranger et de la difficulté pour eux de transiger dans une langue qui leur était alors presque inconnue.

Le jour même de son arrivée à Dalhousie, M. Berlinguet a vu réunis sous ses fenêtres deux à trois cents hommes, dont bon nombre armés, qui proféraient contre lui des cris de mort et menaçaient de l’exécuter s’il n’augmentait pas leur salaire. Mais il fit tête à l’orage, et sans accorder aucune concession, par la seule force de l’énergie, il contint tous ces mutins qui durent retourner à l’ouvrage aux anciennes conditions. M. Bertrand a été victime des mêmes tentatives de