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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/310

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DE RETOUR



16 Novembre.


Aujourd’hui je n’ai nulle envie de rire ni de faire rire. Ceux qui ont dit que Démocrite passait son temps à cela sont des farceurs, comme les ministres des finances qui déclarent invariablement, chaque année, avoir un excédant de recettes. De quelles larmes, versées loin des regards, les grands rieurs ont-ils payé les rires faits pour la foule et qui les ont rendus célèbres, on serait bien surpris de l’apprendre. Pour moi, je crois que le rire est une variété de la souffrance et c’est comme martyr hebdomadaire, à tant de la colonne, que je veux arriver à la postérité.

Je serais bien en peine de savoir le dire, mais c’est un fait certain qu’aujourd’hui j’ai le désespoir dans l’âme. Il y a longtemps que ça ne m’était arrivé, depuis, je crois, le vote sur le double mandat qui a fait triompher l’opposition, mais en la laissant dans l’opposition. Ceux qui diront que ce n’est pas là une opposition systématique, n’ont aucun sens des choses.

Puisque je suis au désespoir, il convient que je m’analyse. Qu’est-ce que le désespoir ? C’est l’état de l’âme qui a perdu toute espérance.

Quand on en est là, on n’a plus de larmes pour les bonheurs passés, les illusions enfuies ; on reste muet, morne et planté comme un poteau de télégraphe. Otez