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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/320

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je m’étais vendu pour que cette infâme calomnie ait été reçue avec plaisir par bien des gens qui voudraient m’acheter peut-être, mais qui ne l’osent pas, me croyant incorruptible. Dans tous les cas, il n’y a que les gens d’esprit à qui cette tentative pourrait sourire ; pour les imbéciles, je ne suis d’aucune valeur. Mais le diable veut que les gens d’esprit soient toujours pauvres. Donc, je ne suis pas achetable.

Si le grand journal dont je viens de parler veut faire un marché avec moi, je noterai toutes les ineffabilités qui se disent en parlement dans un français inconnu, et il me paiera au poids de l’or ; je lui promets qu’il en aura pour son argent.

Oh ! si l’on savait tout ce qu’il m’en a coûté pour faire la chronique en question sur l’Intercolonial, on ne m’accuserait pas d’être un vil mercenaire ! Ce reproche m’est sensible, attendu que je puis le mériter ; mais il sera toujours temps de me prendre en flagrant délit et j’espère que ça ne tardera pas… Écoutez mon récit, amis trop chers qui connaissez mon dévouement, parce que vous en avez souffert autant que moi, vous que j’ai exploités sous toutes les formes et qui m’avez prêté de l’argent comme d’autres en feraient le sacrifice !

« C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit ; il était six heures du soir. J’avais fait mes malles et la diligence était prête à partir de l’hôtel Fraser, sur la rivière Ristigouche, pour suivre toute la vallée de la Matapédia, jusqu’à Sainte-Flavie, sur le Saint-Laurent,