Aller au contenu

Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un collégien en vacance, très fort en thème, qui n’est jamais parvenu à la célébrité.

Il faut voir avec quelle méthode Rossus modère son allure ! Quand le tyran Néron le fouette, il lève les quatre pattes à la fois, fait un bond, un seul, et s’arrête court, puis, l’instant d’après, il reprend son train de route qui est celui d’un crapaud estropié. Cela donne le temps de faire des observations.

Que l’homme est petit quand on le contemple des hauteurs que mon pied foule, au milieu de nuées de mouches, dont une seule suffit à donner la rage ! Les moustiques du Saguenay sont une race unique, indomptable, supérieure. Unies entre elles, par myriades de millions, elles affrontent tous les moyens de destruction connus. Elles ravagent et dévorent tout ce qui existe ; aucune peau d’animal n’est à leur épreuve. Pour les anéantir on dit des messes, mais cela ne suffit pas toujours ; on fait du feu, on enveloppe les maisons de fumée, on s’étouffe littéralement, mais sans jamais étouffer ces maudites petites bêtes, grosses comme des pointes d’aiguilles et que le vent emporte ainsi que des nuées invisibles. Ce ne sont ni des maringouins, ni des cousins, ni des brûlots ; c’est une espèce à part, presque microscopique, armée d’une pompe terrible et d’un appétit colossal.

Vues au microscope, elles sont d’une beauté ravissante ; ô perfidie des apparences ! Être si petit et si vorace ! Elles ont un dard plus long que leur corps tout entier, la racine duquel est une sorte de réservoir