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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/420

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encore sauvage et sans moyens de communication d’aucune espèce.

Quand on atteint le lac Saint-Jean, on est arrivé à un véritable cul-de-sac ; il n’y a plus d’issue nulle part, et il faut revenir sur ses pas si l’on veut regagner les bords du Saint-Laurent. Il y a vingt à vingt-cinq ans, cette partie du Bas-Canada, qui contient aujourd’hui près de 30,000 âmes, n’était encore fréquentée que par les Indiens chasseurs et ne contenait, en fait d’habitations, que les postes de la compagnie de la Baie d’Hudson, laquelle, on s’en souvient, avait un droit exclusif de chasse sur l’immense étendue de territoire que lui reconnaissait sa charte.

Ce fut un Écossais, au service de la compagnie, qui, le premier, eut l’idée d’exploiter les incomparables richesses forestières de cette région, en s’associant pour cela avec M. Price qui devait fournir les fonds. C’est de là que datent la fortune et l’influence de la maison Price, en même temps que la colonisation du Saguenay. C’est là aussi le secret de l’ascendant que cette maison a conservé jusqu’à nos jours au milieu d’une population qu’elle a poue ainsi dire formée. En effet, les premiers travailleurs, ainsi que bon nombre de ceux qui y vinrent plus tard avec leurs amis ou compagnons, furent tous les employés de feu M. Price ; grâce à eux, les premiers défrichements se firent, puis s’étendirent, puis gagnèrent jusqu’au lac Saint-Jean, toujours en suivant le cours de la rivière Chicoutimi. Pendant longtemps, la maison Price fut seule à fournir des provisions et des vêtements aux nombreuses familles qu’elle tenait pour ainsi dire sous sa tutelle, de telle sorte qu’il y avait à peine un homme des chantiers ou