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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/437

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ont baissé, baissé de telle sorte qu’on est déjà à la ration et que, dans quelques jours, il ne restera plus rien au fond des coffres ni des sacs. Alors c’en est fini de la petite troupe qui campe, à moins qu’elle ne soit providentiellement rencontrée dans la vaste forêt par une autre troupe, également à la recherche de fourrures, et qui puisse lui venir en aide. C’est alors qu’on voit l’instinct et le dévouement admirables des chiens indiens. Dès qu’ils s’aperçoivent que les provisions sont devenues rares, ils se privent de manger plutôt que de diminuer de la plus minime partie le peu qu’il en reste à leur maîtres. Mais si une troupe étrangère arrive et campe dans le voisinage, ils se glisseront furtivement la nuit et enlèveront tout ce qu’ils pourront, le transporteront aux huttes de leurs maîtres et feront ripaille, afin de pouvoir jeûner ensuite deux ou trois jours si c’est nécessaire. Quant à l’Indien il se laissera crever silencieusement.

Les Montagnais n’ont pas encore acquis le goût de la culture, malgré que le gouvernement ait envoyé chez eux un agent des terres chargé de leur distribuer des lots et de leur apprendre à les faire produire. Fils de l’espace, libre comme le renne sauvage qui parcourt des centaines de lieux sur la neige, l’Indien, à quelque tribu dégénérée qu’il appartienne, ne peut se renfermer dans les limites d’un champ ni s’assujétir aux soins méthodiques, calculés, de la vie agricole. La prévoyance et l’attachement à un lieu précis lui sont étrangers. Pour lui, la terre, c’est ce qu’il peut en mesurer dans