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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/45

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CHRONIQUES

fectent tous les styles sans en revêtir un seul, mais qui cependant ne manquent pas de pittoresque, villas construites par des étrangers, entourées de jardins, échelonnées à perte de vue sur une ligne capricieusement brisée, assises dans cent attitudes diverses sur le coteau qui domine le fleuve et d’où l’on embrasse une vue qui s’étend à plus de vingt lieues dans tous les sens.




Lundi matin, 17 juillet.

Il est neuf heures, oui, neuf heures ; j’en ai honte ; aussi, je me pardonne. Je m’éveille au son de Rigoletto ; la harpe frémit et sanglote en jouant la Dona è mobile.

« Souvent femme varie,
« Bien fol est qui s’y fie. »

Chanson de François Ier, que le père Adam avait fredonnée déjà et que ses fils chanteront encore jusqu’à la fin du monde sans se lasser d’être fols.

Quelle journée radieuse ! quel ciel étincelant ! Les oiseaux gazouillent sous ma fenêtre ; ils sautillent, volètent de branche en branche, portant avec eux leurs amours ; la nature s’épanouit et sourit au soleil satisfait. Fredonne, fredonne le motif de tous les âges, ô harpe divine ! tes accords montent en se gonflant dans le ciel pur, si pur qu’un soupir peut s’y faire entendre jusque dans les nues. Sur la rive dorée se jouent et flottent de caressants rayons ; des jeunes filles blanches comme le lait, blondes comme les épis, sont étendues sur le sable, un livre à la main, un livre qui ferait croire qu’elles lisent ! Quand vous passez, elles l’ouvrent en abaissant leurs regards ; mais vous n’avez