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Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/56

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atôme volant, était emporté de branche en branche par le souffle du matin. Des essaims de moustiques, groupés dans l’air, bourdonnaient parmi les premiers rayons du soleil ; en les voyant, je fus pris d’une colère insensée et me mis à courir, agitant mon mouchoir, fendant l’air de mes bras partout où je trouvais les exécrables petites bêtes. Mais dans ce combat de l’homme contre l’insecte, l’homme fut le vaincu et je cédai le terrain, haletant, le visage et les mains ensanglantés.

C’est avec ces mêmes mains que je vous écris ma chronique. Tant pis si elle n’est pas amusante ; ça n’est pas ma faute. Il y a là tout ce qu’on peut humainement tirer d’une excursion dans l’intérieur du Saguenay ; si vous n’êtes pas satisfait, je recommencerai, et si vos lecteurs font les difficiles, je les enverrai à Tadoussac en faire autant.


POUR LE « PAYS »


2 août 1871.


« L’homme est un dieu tombé
Qui se souvient des cieux. »
xxxxLamartine.


Il y a si longtemps de cela que le dieu tombé doit avoir la mémoire longue s’il s’en souvient encore. Plus je vais, plus je m’aperçois qu’il a perdu de son origine. Si l’homme est réellement tombé du ciel, ça doit être d’un ciel pluvieux comme celui qui inonde la terre de boue depuis six semaines : il est tombé avec les petits