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Page:Buies - Chroniques, Tome 2, Voyages, 1875.djvu/54

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CHRONIQUES

et dont rien ne peut donner une idée plus juste, plus saisissante de Québec, la capitale, ville fortifiée depuis cent ans et qui se démolit toute seule depuis cinquante, que des remparts de poussière et des entassements de décombres protègent contre un ennemi éternellement invisible, que des vieux canons du dernier siècle, couverts d’une rouille aussi historique que peu rassurante, ne peuvent plus défendre, maintenant que ce ne sont plus des Iroquois montés sur leurs canots qui voudraient l’assiéger, et qu’une artillerie volontaire de 130 hommes fait encore trembler parfois, lorsque, voulant s’exercer au tir, elle envoie des bombes moisies éclater parmi les habitants endormis de la rue Champlain.

La faute n’en est pas à coup sûr au département de la guerre qui a à sa disposition 40, 000 hommes, dont 300 à peu près sont en activité de service. Elle en est au temps qui vieillit tout et aux citoyens de la bonne capitale pour qui la moisissure représente les grandeurs de l’histoire.

Québec a cependant quelques avantages dont il faut lui tenir patriotiquement compte ; c’est l’endroit du Canada qui retient le mieux ses habitants, et cela pour plusieurs raisons. D’abord, l’hiver, on n’en peut pas sortir ; ensuite, au printemps, il y a énormément de morts subites causées par les glaçons qui tombent des toits en toute liberté, les pierres ou les briques qui se détachent des maisons en ruines, la transition violente du chaud au froid entre des rues où il y a quatre à cinq pieds de neige et d’autres voisines où l’on étouffe dans des flots de poussière, par les bouts de trottoirs qui sautent à la figure et assomment sur place, par les accidents de toute sorte au milieu d’un tohu-bohu de pavés, dernier débris du chaos antique, d’ornières et de fossés où