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Page:Buies - Chroniques, Tome 2, Voyages, 1875.djvu/60

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CHRONIQUES

Jacques-Cartier parut sous le cap superbe entouré de cette magnifique ceinture de remparts qui, en attendant qu’ils démolissent par leur seul aspect tous les ennemis possibles, servent à étouffer les habitans qui sont dans leur enceinte. Si nous sommes jeunes encore à cet âge, et pour peu que notre vieillesse se prolonge autant que notre jeunesse, nous deviendrons certainement le peuple le plus sec, le plus rassi de l’univers.

Être si longs et rester si jeunes, cela forme une situation intéressante au premier degré, surtout si, une fois annexés, le Labrador, en nous rendant nos frères les Esquimaux, et le Groënland, en nous adossant au pôle, suivant une expression célèbre, demandent eux aussi, chacun à tour de rôle, des better terms.

Messieurs, il arrive pourtant une époque dans la vie des peuples, comme dans celle des hommes, où ils perdent la fraîcheur de la jeunesse, sinon la puissance de leurs vertus.

Chez un peuple qui a besoin de réformes immédiates, sa jeunesse est-elle donc une raison pour ne pas les adopter, et pour laisser au temps de faire l’œuvre des hommes ?

Il est de la nature du progrès, comme de toutes choses, de s’accomplir quand son heure est venue. Pourquoi donc le retarderions-nous sous prétexte que nous n’avons pas le développement des grandes nations ? Devons-nous persister à rester en arrière de soixante ans, anomalie vivante dans un monde métamorphosé ? Faut-il attendre que notre indifférence pour les connaissances indispensables nous apporte toute sorte d’humiliations, pour croire le moment venu de les apprendre ? Faut-il que le dégoût seul nous inspire le remède ? Nous n’avons pas été trop jeunes pour vouer jusqu’aujourd’hui une grande partie de notre temps et de notre in-