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Page:Buies - Récits de voyages, 1890.djvu/107

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sur les grands lacs

et formidables entassements sur toute la côte nord du grand lac. Depuis que cette terrible blessure a été pratiquée dans ses flancs, la muraille de sombres rochers qui surplombe le lac a eu le temps de se couvrir d’une nouvelle couronne de pins, d’épinettes et de mélèzes qui glissent, comme une cascade de sourcils, jusqu’au bas des pentes, le long des arêtes et des parois des rocs, et vont s’éparpiller en petits groupes perdus dans les mille anfractuosités et déchirures de la côte. Cette côte est toujours frémissante d’échos. Tantôt c’est le tonnerre qui promène ses roulements, comme un galop de chevaux aériens, dans les gorges et sur les cimes retentissantes ; tantôt c’est la tempête qui précipite les flots du lac sur ce rivage d’airain, où ils se brisent en jetant dans l’air une écume furieuse ; et tantôt le vent apaisé balance les têtes des arbres, dont la longue ondulation rappelle le bruit sourd d’une houle profonde et lointaine.

En sortant de l’Anse, on aperçoit un rocher isolé en arrière de ceux qui s’arc-boutent le long du rivage. Ce rocher est celui de la « Loutre, » baptisé ainsi à cause de sa forme qui lui donne une ressemblance lointaine avec cet animal aquatique.