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Page:Buies - Récits de voyages, 1890.djvu/11

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sur les grands lacs

rives ; d’autrefois, le passage semble positivement arrêté devant soi, lorsque, tout à coup, par un simple mouvement du timonier, le bateau tourne brusquement et de nouveaux aspects se découvrent.

C’est une féerie continuelle, un changement à vue et incessant de décors, toujours de plus en plus surprenants. On est transporté, ému ; le cœur, rempli d’une ineffable jouissance, peut à peine se contenir dans la poitrine, et il éprouve ce saisissement, ce resserrement qui accompagne les émotions trop vives et trop répétées, ou bien encore une sensation comme celle d’une course rapide, dans l’air frais du matin, sur un coursier vaillant.

Parfois, après être sorti vivement d’une passe étroite, on se trouve en présence d’une espèce de petit lac ; les îles forment cercle et permettent un instant au fleuve de s’épanouir. Alors, on ne sait plus de quel côté porter les yeux ; le regard est sollicité en même temps tout autour de ce cercle de feuillage ensoleillé et de rochers accroupis dans les postures les plus fantastiques. Puis, en un clin d’œil, on est sorti de ce petit espace laissé libre pour permettre au fleuve de respirer, et l’on se trouve de nouveau dans le fouillis