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Page:Buies - Récits de voyages, 1890.djvu/138

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récits de voyages

ces vallées, et ces gorges profondes, tortueuses et roulées autour des monts comme des écharpes d’abîmes, naguère encore refuges presque inviolés des vaillants quadrupèdes à panaches et des hôtes à chaude fourrure, retentissent aujourd’hui du roulement presque ininterrompu des trains, dont l’écho, vingt fois répété, roule, de massif en massif et de chaîne en chaîne, comme un tonnerre cadencé. Là où la voix de l’homme s’était encore à peine fait entendre, éclate tout à coup, dans le silence profond des campagnes éparses et assoupies, le mugissement prolongé de la locomotive, cette bête de feu, altérée d’espace, qui le traverse comme un météore, en lui abandonnant sa flottante écharpe de fumée, qui pourrait broyer des armées sur son effroyable passage, et qui s’arrête en un instant, sous une simple pression de la main de l’homme, plus docile et plus passive qu’un cheval de cirque ; plus immobile que l’eau d’un lac sur ses rives.


II


Il y a quarante-six ans, le bassin du lac Saint-Jean était absolument inconnu ; pas un colon n’y avait encore planté sa tente ni semé