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Page:Buies - Sur le parcours du chemin de fer du Lac St-Jean, première conférence, 1886.djvu/37

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ressemble en rien aux fournaises à vapeur de nos maisons.

Messieurs, arrêtons-nous, je vous prie, un instant, à ce mot simple et humble de défricheur qui éveille en nous, habitants du Canada, tout un monde de pensées généreuses, de souvenirs séculaires, d’espérances fortifiantes pour l’avenir. Un défrichement ne saurait être un spectacle indifférent pour nous, car c’est là notre berceau ; arrêtons un instant nos yeux sur l’image de ce que fut notre patrie à ses premiers jours. Ceux qui, comme moi, ont pu pénétrer dans ces pauvres huttes où s’abritent tant de courages patients, tant d’héroïques résignations ; ceux qui ont contemplé comme moi, comment, sur des théâtres effacés, à force de labeurs, à force de dévouement, se sont faites de grandes choses ignorées, inspirées en haut par je ne sais quelle vertu surhumaine, soutenues en bas par tout ce que notre nature renferme en elle de forces prodigieuses, révélées seulement dans les temps les plus difficiles ; ceux qui ont vu ce que peuvent accomplir ces défricheurs uniques, race d’hommes véritablement à part, que rien ne rebute, que la fatigue de tous les jours accable, mais ne décourage pas, que la privation endurcit et fortifie, qui voient d’année en année leur famille et leur vigueur grandir à la fois, qui travaillent sans relâche et qui se nourrissent, s’habillent, se logent on ne sait comment ; qui arrivent dans les bois assez souvent sans les instruments les plus nécessaires, sans les choses indispensables, et qui cependant abattent la forêt, inventent des ressources et trouvent un pain ignoré