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Page:Buies - Sur le parcours du chemin de fer du Lac St-Jean, première conférence, 1886.djvu/40

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seul à mourir ; il marche sans arrière-garde, si ce n’est celle qui le suivra, dans dix, quinze ou vingt ans, mais il aura montré le chemin et sa conquête sera sûre, il aura donné à son pays de nouveaux espaces et ses sueurs auront été bien plus fécondes que le sang !

Messieurs, ce tableau que je viens de faire est celui du défricheur isolé dans les bois, loin de toute communication, de tout secours humain, de tout approvisionnement, et le plus souvent hors d’état de faire connaître sa souffrance et sa détresse. C’est celui du défricheur d’autrefois, et même de celui de nos jours, tel que je l’ai vu dans les cantons du nord, en arrière de Montréal, dans cette vaste et fertile région ouverte aux générations futures par le premier des Canadiens, par celui que j’appellerai le grand Canadien, comme on dit le grand Français, de M. de Lesseps… son nom est dans toutes les bouches, et vous le proclamez avec moi, M. le curé Labelle ! Laissez-moi, en passant, en deux mots, payer ce faible tribut d’hommage et d’admiration à cet homme unique dont on ne connaît pas assez toute la valeur, tout l’héroïsme et toute la puissance morale, à cet homme qui unit la ferveur et l’ardeur de l’apôtre au génie créateur, à la grandeur et à l’ampleur des conceptions, et à une divination infaillible de l’avenir qui lui fait voir, avec la précision de la clairvoyance, ce que sera notre province dans cinquante ans d’ici.

Mais, messieurs, il n’en est pas du défricheur que je viens de peindre comme de celui qui s’est établi dans les environs de la voie ferrée qui conduit au lac St-Jean.