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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/102

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esprit imaginatif ne s’effacent, à vrai dire, jamais complètement. Ce sont des caractères invisibles, qui, exposés à la lumière et à la chaleur, reparaissent par degrés dans tout leur éclat. Lorsque le génie se trouve mis en contact familier avec de jeunes esprits, il devient aussi jeune qu’eux. Aussi Éveline ne remarquait pas la disproportion d’années qui existait entre elle et Maltravers. Mais la disproportion des connaissances et des facultés intellectuelles servait pour le moment à lui interdire ce doux sentiment d’égalité dans les relations de l’esprit, sans lequel l’amour est rarement une affection profonde chez les femmes. Ce n’est pas comme chez les hommes. Cependant par degrés elle se sentit de plus en plus à l’aise auprès de son austère ami ; et dans cette intimité il y avait un charme séducteur, dangereux pour Maltravers. Éveline avait le pouvoir, quand elle le voulait, de dissiper par ses rires joyeux les rêveries les plus sombres de son ami, de réfuter avec une grâce impérieuse ses dogmes favoris, de le gronder même, avec une gravité enchanteresse s’il ne cédait pas aveuglément à son moindre désir, ou à son moindre caprice. À cette époque il paraissait certain que Maltravers deviendrait amoureux d’Éveline ; mais il était plus douteux qu’Éveline devînt jamais amoureuse de lui.


CHAPITRE VII

Contrahe vela
Et te littoribus cymba propinqua vehat.
(Sénèque.)

« Ne trouvez-Vous pas que miss Cameron a une charmante physionomie ? » dit un jour M. Merton à Maltravers, en lui montrant Éveline. Celle-ci, ne se doutant guère du compliment, était assise à peu de distance, les yeux baissés vers Sophie, qui, installée sur un petit tabouret à ses pieds, tressait une guirlande de marguerites, et elle recommandait à l’enfant de ne pas parler aussi haut ; car Merton était en train de donner à Maltravers quelques détails utiles, relatifs