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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/118

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ses honneurs devaient mourir avec le dernier lord de Saxingham !

« Voyez, continua Lumley, j’ai calculé nos ressources avec la précision d’un agent d’élections, qui additionne la liste des votes. Dans la Presse je me suis assuré de *** et du *** ; à la Chambre nous avons l’insinuant ***, puis la vigueur de ***, et le nom populaire de ***, et tous les bourgs de *** ; au conseil des ministres nous avons ***, et à la Cour vous savez combien nous sommes puissants. Choisissons bien notre moment. Un coup imprévu ; une entrevue avec le roi ; un exposé sincère des scrupules de conscience que nous inspire cette infâme mesure. Je connais l’esprit orgueilleux et raide du premier ministre ; il se fâchera, il offrira sa démission ; à son grand étonnement on l’acceptera. On vous enverra chercher ; nous dissoudrons le parlement ; nous remuerons ciel et terre pendant les élections ; nous réussirons, j’en suis convaincu. Mais, en attendant, gardez le silence ; soyez prudent. Que pas un mot ne vous échappe, qu’on nous croie battus. Endormons les soupçons, déplorons tout haut notre faiblesse, et parlons en termes obscurs, seulement en termes obscurs, de donner notre démission, mais avec des assurances de fidélité inébranlable. Je sais comment leur jeter de la poudre aux yeux, laissez-moi seulement faire.

L’esprit faible du vieux comte n’était qu’un jouet entre les mains de son intrépide cousin. Tantôt il tremblait, tantôt il espérait ; tantôt son ambition se trouvait flattée, puis ses sentiments d’honneur s’alarmaient. Il y avait dans l’intrigue qu’ourdissait Lumley pour renverser le pouvoir dont ils faisaient tous deux partie, une apparence de duplicité et de bassesse qui répugnait à lord Saxingham, dont la réputation personnelle était fort honorable. Mais Vargrave discuta ses scrupules avec une adresse consommée, et lorsqu’ils se quittèrent, le comte portait la tête plus haute de deux pouces au moins : il se préparait à son élévation prochaine.

« Cela va bien, cela va bien ! se dit Lumley en se frottant les mains, quand il se trouva seul, ce vieux radoteur sera mon locum tenens, jusqu’à ce que le temps et la renommée me permettent de devenir son successeur. En attendant, je serai de fait ce qu’il ne sera que de nom.

En ce moment le domestique bien-nourri de lord Vargrave (promu maintenant au rang de valet de chambre et d’intendant) entra, tenant une lettre à la main. Cette lettre avait un aspect de mauvais augure ; elle était fermée d’un pain