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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/120

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CHAPITRE III

Animum nunc hoc celerem, nunc dividit illud.
(Virgile.)

Feu M. Templeton avait été banquier dans une ville de province, centre d’un grand mouvement commercial et agricole. Il avait fait la plus grande partie de sa fortune pendant les jours fortunés de la guerre, époque où le papier-monnaie avait eu un cours si actif. Outre sa maison de banque en province, il avait des intérêts considérables dans une banque assez importante de la capitale. À l’époque de son mariage avec lady Vargrave, il s’était retiré complétement des affaires, et il avait quitté pour ne plus y revenir les lieux où il avait amassé sa fortune. Il avait continué à voir familièrement le chef de la banque métropolitaine à laquelle j’ai fait allusion ; car il se plaisait à discuter les questions d’argent avec ceux qui les comprenaient bien. Ce banquier, M. Gustave Douce, avait été nommé, de concert avec Lumley, administrateur de la fortune d’Éveline. Ils avaient toute liberté d’en faire le placement qui leur paraîtrait le plus sûr et le plus avantageux. Les administrateurs semblaient bien choisis ; car l’un d’eux, étant destiné à partager cette fortune, devrait nécessairement prendre le plus grand intérêt à ce qu’elle ne périclitât point ; et l’autre, grâce à ses habitudes et à sa profession, devait être un excellent conseiller.

Lord Vargrave connaissait peu M. Douce ; ils ne fréquentaient pas le même monde. Mais lord Vargrave, qui pensait que tout homme riche pouvait devenir un jour ou l’autre une bonne connaissance, l’invitait régulièrement une fois l’an à dîner. En retour il dînait deux fois l’an chez M. Douce dans une des plus splendides villas, et dans la plus splendide vaisselle d’argent qu’il eût jamais eu l’occasion de voir et d’envier. De sorte que le petit service qu’il était sur le point de demander à M. Douce ne serait qu’un léger témoignage de reconnaissance pour la condescendance de lord Vargrave.