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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/168

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— Je voudrais bien qu’il s’y décidât, dit vivement lord Doltimore, en jetant à la dérobée un regard vers Caroline. J’aimerais beaucoup à acheter cette propriété. Quelle en est, pensez-vous, la mise à prix ?

— Ne parlez donc pas de cela avec tant de sang-froid, dit l’amiral, en laissant tomber avec force le bout de sa canne sur le plancher. Je ne puis souffrir de voir de vieilles familles abandonner leurs vieux châteaux ; c’est très-mal ! Vous, acheter Burleigh ! n’avez-vous pas une terre à vous, mylord ? Allez donc y demeurer, et prenez-y M. Maltravers pour exemple, vous ne sauriez en avoir de meilleur. »

Lord Doltimore ricana, rougit, rajusta sa cravate, et, se tournant vers le colonel Legard, il lui dit tout bas :

« Legard, votre excellent oncle est fort ennuyeux. »

Legard parut un peu froissé, et ne répondit pas.

« Mais, dit Caroline, venant au secours de son admirateur, si M. Maltravers veut absolument vendre sa terre, il ne pourrait assurément avoir un plus digne successeur.

— Il ne vendra pas, madame ; c’est positif ! s’écria l’amiral. Tout le comté signera une circulaire pour lui signifier que ce serait honteux, et s’il se présente quelqu’un qui ose acheter Burleigh, nous l’enverrons au diable ! »

Miss Merton se mit à rire, mais elle considéra les vieilles murailles lambrissées avec un intérêt inusité ; elle pensait qu’il serait beau d’être dame de Burleigh !

« Quel est ce portrait si soigneusement recouvert ? demanda l’amiral, lorsqu’ils se trouvèrent dans la bibliothèque.

— C’est celui de mistress Maltravers, la mère d’Ernest, répondit lentement Cleveland. Il n’aime pas qu’on le fasse voir… à des personnes étrangères ; l’autre tableau est le portrait d’un Digby. »

Éveline leva les yeux vers le portrait voilé ; et songea à sa première entrevue avec Maltravers ; mais la voix mélodieuse du colonel Legard murmura quelques mots à son oreille, et sa rêverie se dissipa.

Cleveland jeta un coup d’œil sur le colonel, et se dit tout bas.

« Vargrave ferait bien de surveiller ces jeunes gens. »

On avait enfin terminé la visite des appartements de réception (qui du reste n’avaient guère de remarquable que leur antiquité et quelques vieux portraits) et l’on se trouvait dans un vestibule situé derrière la maison, et conduisant à une cour dont deux côtés étaient occupés par les écuries.