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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/210

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CHAPITRE II

Quibus otio vel magnificè, vel molliter, vivere copia erat ; incerta pro certis malebant.
(Salluste.)

Lord Raby, un des plus riches et des plus magnifiques patriciens de l’Angleterre, était peut-être plus fier de ses distinctions provinciales que de l’élévation de son rang et du grand ton de sa femme. Les superbes châteaux, les immenses domaines de notre noblesse anglaise, tendent, en dépit de la liberté, de l’activité et de la grandeur commerciale de notre peuple, à conserver chez nous, plus que chez toute autre nation, les attributs de l’aristocratie normande. Dans son comté, le grand seigneur est un petit prince ; sa maison est une cour ; et tous les propriétaires d’alentour tirent vanité de ses domaines et de sa munificence. Ils se plaisent à parler des amusements et des fêtes du comte ou du duc, tout autant que Dangeau se plaisait aux commérages de Versailles.

Lord Raby, tout en affectant, en sa qualité de lieutenant du comté, de me faire aucune distinction politique entre tel squire et tel autre, également hospitalier et affable vis-à vis de tous, donnait pourtant, par cette absence même d’exclusion, le ton à la politique de tout le comté ; et il ralliait à son parti beaucoup de personnes, qui jadis pensaient tout différemment quant aux mérites respectifs des Whigs et des Tories. Un homme puissant ne se déprécie jamais autant que lorsqu’il montre de l’intolérance, ou qu’il affiche le droit de persécuter les gens.

« Mes tenanciers voteront absolument comme il leur plaira, » disait lord Raby ; et jamais on n’avait vu un de ses vassaux voter contre son désir. Il surveillait d’un œil vigilant tous les intérêts du comté, et se conciliait tous les propriétaires. Non-seulement il n’avait jamais perdu un ami, mais il maintenait en bonne intelligence un faisceau de partisans dont le nombre s’accroissait constamment.

Le collègue de Sir John Merton au parlement était un jeune