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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/235

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Le vieux Templeton était friand, sans avoir l’air d’y toucher.

— Dans tous les cas, elle a toujours dû être irréprochable, à en juger par son air, qui même à présent rappelle plutôt une enfant qu’une matrone.

— Oui ; elle n’a guère la mine d’une veuve, la pauvre femme ! Mais son éducation n’a pas été très-soignée, excepté pour ce qui est de la musique ; et elle connaît le monde à peu près aussi bien que l’évêque d’Autun connaît la Bible. Si elle n’était si simple, elle serait sotte ; mais la sottise n’est jamais simple ; elle est toujours rusée. Néanmoins il y a une certaine ruse à cacher si bien les annales caméromiennes de son passé. Peut-être en apprendrai-je davantage sur son compte dans quelque temps d’ici, car je me propose d’aller à C***, où mon oncle a demeuré naguère, afin de voir si je ne pourrais pas raviver sous le manteau (puisque les pairs me sont que des électeurs de contrebande) son ancienne influence parlementaire dans cette ville. Peut-être m’en dira-t-on là plus que je n’en sais maintenant.

— Le feu lord s’est-il marié à C*** ?

— Non ; dans le Devonshire. Je ne sais même pas si mistress Cameron est jamais allée à C***.

— Vous devez être curieux de savoir ce qu’était le père de votre futur ?

— Son père ? Non ; je n’ai point de curiosité de ce côté. Et, pour vous dire vrai, je suis beaucoup trop occupé du présent pour m’amuser à remuer ce tas de décombres qu’on appelle le passé. J’imagine que votre bonne grand’mère, aussi bien que cet aimable vieux prêtre de Brook Green, connaissent à fond toute l’histoire de lady Vargrave, et puisqu’ils la tiennent en si haute estime, j’admets sans examen qu’elle doit être sans tache.

— Ah ! que je suis étourdie ! à propos du vieux pasteur, j’oubliais de vous dire qu’il est ici. Il est arrivé il y a deux heures environ, et depuis, il est enfermé avec Éveline.

— Ah diable ! qu’est-ce qui l’amène donc, ce vieux bonhomme ?

— Je n’en sais rien. Papa a reçu une lettre de lui hier, qui lui annonçait son arrivée. Peut-être lady Vargrave pense-t-elle qu’il est temps qu’Éveline s’en retourne.

— Que dois-je faire ? dit Vargrave avec inquiétude. Faut-il risquer si tôt ma déclaration ?

— Je suis sûre que ce serait inutile, Vargrave. Il faut vous préparer à un désappointement.