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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/243

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elle pouvait toutefois, par une autre disposition de la fortune qui lui a été léguée, vous témoigner, mylord, son respect et son amitié, elle en éprouverait une vive satisfaction. »

Lord Vargrave tressaillit.

« Monsieur, dit-il, je ne sais si je dois vous remercier de cette communication dont la nouvelle coïncide aussi singulièrement avec votre arrivée. Mais permettez-moi de vous dire qu’entre miss Cameron et moi il n’est pas besoin d’ambassadeur. Il est dû à mon rang, monsieur, à la parenté qui existe entre elle et moi, à mon caractère de tuteur, à ma longue et fidèle affection, à toutes ces considérations enfin que comprendraient les hommes du monde, et qu’admettraient les hommes capables de quelque sentiment, il m’est dû, je le répète, de recevoir de la bouche même de miss Cameron le refus de mes prétentions à sa main.

— Ne doutez pas, mylord, que miss Cameron vous accorde l’entrevue que vous êtes en droit de solliciter d’elle ; mais pardonnez-moi d’avoir pensé que cette entrevue vous serait moins pénible à l’un et à l’autre si elle était préparée par une tierce personne. Pour toute question d’affaires, de dédommagement par exemple offert à mylord…

— De dédommagement ! Qu’est-ce qui peut me dédommager ? s’écria Vargrave en arpentant sa chambre dans la plus grande agitation. Pouvez-vous me rendre mes années d’espérance et d’attente ? la maturité de ma vie gaspillée, perdue à la poursuite d’un vain rêve ? Si l’on ne m’avait fait espérer cette récompense, aurais-je repoussé toutes les occasions de former une alliance convenable, pendant qu’il me restait encore un peu de jeunesse et que mon cœur n’était pas entièrement occupé ? me serais-je même livré à une carrière haute et brillante, à laquelle ma fortune est loin d’être proportionnée ? Un dédommagement ! un dédommagement ! À d’autres, monsieur, à d’autres ! Je ne suis plus un enfant ! Vous voyez devant vous un homme dont le bonheur privé est anéanti, dont l’avenir public est compromis, dont la vie est dévastée, la fortune détruite, dont tous les projets, fondés sur une seule et légitime espérance, sont renversés !.. Et vous venez me parler de dédommagement ! »

Malgré l’égoïsme qui formait le fond de ces lamentations, Aubrey fut frappé de leur justice.

« Mylord, dit-il avec un peu d’embarras, je ne puis nier qu’il y ait du vrai dans ce que vous dites. Hélas ! cela prouve