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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/279

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vous assure que Lisle-Court ne m’a jamais causé la moindre satisfaction. J’ai bien envie de le vendre.

— Mais, effectivement, comme nous n’avons que des filles et pas de fils, et qu’Ernest est si bien pourvu, dit lady Julia, que Lisle-Court est si loin de Londres, et que le voisinage en est si désagréable, je crois que nous pourrions fort bien nous en passer. »

Le colonel Maltravers ne répondit pas ; mais il pesa le pour et le contre. Il commença à calculer ce que Lisle-Court lui coûtait en gardes-chasse, ouvriers, régisseurs, jardiniers, et Dieu sait quoi encore ; puis la pagode lui revint à l’esprit, puis les trognons de choux, et, en résumé il se rendit chez son avoué.

« Vous pouvez vendre Lisle-Court, lui dit-il tranquillement. »

L’avoué trempa sa plume dans son encrier.

« Les détails, colonel ?

— Les détails ! mais tout le monde, c’est-à-dire, tout gentilhomme connaît Lisle-Court.

— Le prix, monsieur ?

— Vous en connaissez les revenus ; calculez en conséquence. Ce sera une acquisition trop considérable pour un seul individu ; vous pourrez vendre séparément les fermes et les bois situés sur la lisière de la propriété.

— Il faut que nous annoncions la vente, colonel.

— Annoncer la vente de Lisle-Court ! Il n’y faut pas songer, monsieur. Je ne veux pas qu’on donne de publicité à mon intention. Parlez-en tranquillement à quelques capitalistes ; mais qu’on ne mette rien dans les journaux, jusqu’à ce que la chose soit arrangée. Dans une semaine ou deux vous aurez trouvé un acquéreur ; le plus tôt sera le mieux. »

En sus de l’horreur que lui inspiraient les commentaires et les réclames des journaux, le colonel craignait que son frère, alors à Paris, n’apprît sa résolution et n’essayât de la combattre. Car le colonel avait un peu peur d’Ernest, et il était un peu honteux du parti qu’il venait de prendre. Il ignorait que, par une singulière coïncidence, Ernest lui même avait songé à vendre Burleigh.

L’avoué n’était pas du tout content de cette façon de faire les affaires. Cependant il ébruita tout bas la nouvelle que Lisle-Court était à vendre ; et comme c’était véritablement un des domaines les plus célèbres de l’Angleterre, cette rumeur se répandit bientôt parmi les banquiers, les bras-