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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/327

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donné son cœur aussi bien que sa main à Vargrave. Je vins ici ; vous savez combien sévèrement et résolûment je m’efforçai d’anéantir une faiblesse qui ne pouvait pas même se justifier par l’espérance ! Si je souffrais, du moins je ne le montrai pas. Soudain Éveline m’apparut de nouveau ! et au même moment j’appris qu’elle était libre ! Oh ! comment vous dire mon ravissement ! si vous aviez vu sa figure rayonnante, son sourire enchanteur, lorsque nous nous sommes retrouvés. Dans son innocence ingénue elle me cherchait pas à cacher la joie qu’elle éprouvait à me revoir ! Quelles espérances remplirent mon cœur ! En dépit de la différence de nos âges, je crois qu’elle m’aime, et que grâce, à cet amour, je vais enfin connaître les joies de l’existence !

« Éveline a la simplicité et la tendresse d’Alice, avec l’esprit élégant et cultivé de Florence elle-même ; elle n’a pas le génie, ni la hardiesse d’esprit, ni l’éclat presque effrayant de cet être d’exception ; mais elle a la même passion pour tout ce qui est beau, la même sensibilité d’âme pour tout ce qui est sublime ! Dans la présence d’Éveline j’éprouve un sentiment de paix, de sécurité, d’intimité ! Heureux, trois fois heureux celui qui l’aura pour femme ! Dernièrement elle a pris un nouveau charme à mes yeux ; un certain air pensif et rêveur a remplacé sa gaîté accoutumée. Ah ! l’amour est pensif, n’est-ce pas, Cleveland ? Que de fois je m’adresse cette question ! Et pourtant, au milieu de toutes mes espérances, il y a des moments où je tremble, où le découragement me prend ! Comment cet esprit innocent et joyeux peut-il sympathiser avec moi, qui ai tant souffert, et vu tant de choses ? Peut-être son imagination est-elle éblouie par le prestige qui environne mon nom ; mais comment me flatter d’avoir éveillé dans son cœur ce réel et profond amour dont il est capable, et que la jeunesse inspire à la jeunesse ? Quand nous nous rencontrons chez elle, ou dans la société tranquille mais brillante qui se réunit chez Mme de Ventadour, ou chez les Montaigne, qui l’ont prise en grande affection, quand alors nous causons, quand je suis assis à côté d’elle, et que ses yeux caressants rencontrent les miens, je ne sens plus cette disproportion d’âge ; mon cœur lui parle, et mon cœur est jeune encore ! Mais dans les réunions plus gaies et plus nombreuses où sa présence m’attire, lorsque je vois cette gracieuse fée environnée