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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/336

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soupira et dit, à voix très-basse, comme se parlant à elle-même :

« C’est vrai. Comment ai-je pu penser autrement ! »

Pendant les quelques jours qui suivirent, Éveline se trouva indisposée et ne quitta pas sa chambre. Les fleurs, les livres, la musique que Maltravers lui envoya, ses messages pleins de sollicitude, ses lettres inquiètes et respectueuses, empreintes de ce charme ineffable que le cœur et l’intelligence donnent à tout ce qui vient d’eux, tout cela toucha vivement Éveline. Peut-être compara-t-elle la conduite de Maltravers à l’indifférence et au caprice apparent de Legard, peut-être Maltravers gagna-t-il plus par ce contraste que par toutes ses brillantes qualités. Sur ces entrefaites, sans faire de visite, sans envoyer de message, sans prendre congé, ignorant, il est vrai, qu’Éveline fût malade, Legard partit pour Vienne.


CHAPITRE III

Un pays charmant, un pays de rêves qui flottent devant les yeux à demi clos et de beaux châteaux dans les nuages, qui passent sans cesse dans un ciel d’été.
(Thomson.)

De jour en jour, d’heure en heure, l’influence d’Éveline sur Maltravers augmentait. Ah ! l’orgueil de l’homme n’est qu’illusion ! sa sagesse n’est que folie, puisque une jeune fille, qui connaissait à peine son propre cœur, si rempli de perfections, et dont les sentiments les plus profonds étaient encore repliés au fond de leurs tendres boutons, puisque cette simple enfant maîtrisait à ce point cet homme fier et sage ! Mais, ainsi que tu l’as dit, en parlant peut-être d’après ton expérience, ô Shakespeare, notre maître en toutes choses :

« Quand un homme d’esprit, devenu fou, se laisse prendre, nul n’est plus véritablement pris dans le filet ; la folie couvée sous l’aile de la sagesse s’abrite sous son nom révéré. »

Pourtant il me semble, Maltravers, que cet amour sans