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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/379

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qui est maintenant associé dans son esprit à des souvenirs coupables et douloureux. Bien plus, rien ne l’a troublée autant que la crainte des révélations, du déshonneur. Si jamais sa fille apprenait sa faute, ce serait pour elle un arrêt de mort. Pourtant, par suite de l’état nerveux de sa santé, et de la vivacité toujours extrême de ses sentiments, qu’elle ne sait point maîtriser, si elle vous revoyait elle ne saurait rien déguiser, rien cacher. Le voile serait déchiré ; les domestiques mêmes de la maison iraient ébruiter la chose, la curiosité s’en emparerait, et la médisance noircirait l’histoire des fautes de sa jeunesse. Non, Maltravers….. ou du moins attendez un peu de temps avant de la revoir. Attendez qu’elle soit préparée à cette entrevue ; attendez qu’on ait pris des précautions, que vous soyez vous-même dans un état d’esprit plus calme. »

Tandis que Lumley parlait ainsi, Maltravers fixait sur lui ses yeux perçants, et l’écoutait avec une profonde attention.

« Il importe peu, dit-il après un long intervalle de silence, que ce soient là ou mon vos véritables raisons pour vouloir différer ou empêcher une entrevue entre Alice et moi. L’affliction qui a fondu sur moi m’éblouit d’un éclat trop vif, trop brûlant pour permettre à mes yeux de voir aucune chance de salut ou d’adoucissement à mon sort. Même si Éveline était fille d’Alice, mais d’un autre mari, elle serait à jamais séparée de moi. La mère et la fille ! il y a une espèce d’inceste, même dans cette pensée ! Mais un pareil soulagement à ma douleur est interdit à ma raison. Non, pauvre Alice, je ne troublerai pas le repos que tu as enfin trouvé ! Tu n’auras jamais la douleur d’apprendre que notre faute a condamné ton amant à un si noir destin ! Tout est fini ! Le monde ne me retrouvera plus. Il ne me reste plus que le désert et la tombe !

— Ne parlez pas ainsi, Ernest, dit lord Vargrave d’un ton de condoléance ; encore un peu de temps et vous serez remis de cette secousse. Votre empire sur vos passions, même dans votre jeunesse, m’a toujours inspiré de l’admiration et de l’étonnement ; et maintenant, dans vos années plus mûres et plus calmes, et avec de pareils motifs pour triompher de vous-même, votre victoire viendra plus tôt que vous ne pensez. Puis Éveline est si jeune ; elle vous a connu si peu de temps ; peut-être son amour n’est-il, après tout, causé que par quelque mouvement mystique, mais in-