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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/383

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riage. J’aimerais mieux vous voir épouser un homme d’un âge assorti au vôtre, un homme que vous pourriez aimer tendrement, et qui bannirait de votre cœur tout souvenir du misérable qui vous abandonne aujourd’hui. Mais peut-être ai-je mal jugé lord Vargrave, peut-être était-il plus digne de vous que je ne le pensais (moi, qui me posais en censeur des autres !), peut-être saura-t-il gagner et mériter votre affection.

« Adieu Éveline !… on dit qu’à brebis tondue Dieu mesure le vent : Dieu veillera sur vous !

« Ernest Maltravers. »

CHAPITRE V

Nos actes sont nos anges, bons ou mauvais, dont les ombres fatales ne nous quittent plus.
(John Fletcher.)

Le lendemain matin la voiture était à la porte de Maltravers pour l’emmener peu lui importait en quels lieux. Où pouvait-il fuir ses souvenirs ? Il venait d’envoyer sa lettre à Éveline : cette lettre qu’il s’était étudié à écrire dans le but de détruire toute l’affection où il avait espéré trouver le dernier bonheur de sa vie. Il n’attendait plus que Vargrave, qu’il avait envoyé chercher, et qui se hâta de se rendre auprès de lui.

Quand Lumley arriva, il fut effrayé du changement qu’une seule nuit avait produit chez Maltravers ; mais il fut surpris et soulagé de le trouver calme et maître de lui.

« Vargrave, dit Maltravers, quelle qu’ait été notre froideur passée, je vous dois désormais une éternelle reconnaissance ; et désormais aussi ce terrible secret établit entre nous un lien indissoluble. Si je vous ai bien compris, ni Alice, ni aucun autre être vivant, vous seul excepté, ne sait que c’est moi, Ernest Maltravers, qui suis le criminel objet du premier amour d’Alice. Que ce secret reste enseveli ; soulagez l’esprit d’Alice de toute crainte d’apprendre que l’homme qui l’a trahie vit encore : il ne vivra pas longtemps.