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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/407

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taines questions, l’humble créature qu’il daignait honorer de ses propositions de mariage. Quoique sa fille fût en effet la grande préoccupation de sa vie, quoique pour l’amour d’elle il fût disposé à une mésalliance dont il lui faudrait soigneusement prendre à tâche de cacher l’étendue, pourtant la beauté d’Alice éveillait en lui un sentiment plus terrestre, qu’il n’était pas disposé à vaincre. Il voulait bien faire des promesses, parler généreusement ; mais quand il fut question de serment, de serment solennel et inviolable, garantie qu’exigea rigoureusement Alice, il recula. Tout hypocrite qu’il était, c’était, comme nous l’avons dit auparavant, un très-sincère croyant. Il aurait pu sans scrupules de conscience éluder adroitement une promesse ; mais il n’aurait pas osé violer un serment, et charger son âme du fardeau d’un parjure. Peut-être, après tout, cette union n’aurait-elle jamais eu lieu, si Templeton n’était tombé malade. : L’air doux et énervant du Devonshire ne lui convenait pas ; une fièvre dangereuse le saisit, et cet homme préoccupé d’intérêts temporels trembla à l’aspect de la mort. Alice le soigna dans cette maladie avec la sollicitude et le dévouement d’une fille. Lorsque, à la fin, il guérit, touché de son zèle et de sa bonté, adouci par la maladie, épouvanté par l’approche d’une vieillesse solitaire, et sentant plus que jamais ses devoirs envers son enfant privée de mère, il se jeta aux pieds d’Alice, et lui jura solennellement tout ce qu’elle voulut.

Ce fut pendant son séjour dans le Devonshire, et surtout pendant sa maladie, que Templeton fit et cultiva la connaissance de M. Aubrey. Le digne ecclésiastique priait avec lui, au chevet de son lit de douleur, et lorsque le danger de Templeton fut à son comble, il chercha à soulager sa conscience en faisant au prêtre la confession de ses torts envers Marie Westbrook. Ce nom fit tressaillir Aubrey ; et lorsqu’il apprit que la jolie enfant, qui tant de fois lui avait souri, était la petite fille de la première et de la seule femme qu’il eût jamais aimée, il eut une nouvelle raison de s’intéresser à son bonheur, d’encourager Templeton à réparer ses torts, un nouveau motif pour désirer procurer à l’enfance de la petite fille d’Éléonore les doux soins de la jeune mère, dont il prévoyait avec douleur le deuil prochain. Peut-être les exhortations et les avis d’Aubrey contribuèrent-ils beaucoup à seconder la conscience de M. Templeton, et à le réconcilier au sacrifice qu’il faisait à son affection pour sa fille. Quoi