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Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/417

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— Vous aurez peut-être besoin de quelqu’un qui puisse agir au nom de lady Vargrave, qui soit une autorité pour Éveline ; quelqu’un qui possède, au su de lord Vargrave, le secret de la naissance et des droits de miss Cameron. Je vous accompagnerai, moi. Allons en parler à lady Vargrave.

Maltravers se tourna vivement vers Aubrey.

« Et Alice ne sait pas qui je suis ! elle ne sait pas que je suis, ou que j’étais, il y a quelques semaines, le fiancé d’une autre, et que cette autre est l’enfant qu’elle a élevée comme sa fille ! Malheureuse Alice ! Dans l’heure même de la joie que lui fait éprouver mon retour, doit-elle être frappée par cette nouvelle affliction !

— Me chargerai-je de lui tout dire ? demanda Aubrey d’un ton plein de compassion.

— Non, non ! Je dois seul lui infliger cette dernière douleur ! »

Maltravers s’éloigna. Il ne revint que plus tard, assez avant dans la soirée, et se rendit auprès d’Alice.

Un feu clair brûlait dans l’âtre : les rideaux étaient tirés : le joli mais bien simple salon du cottage semblait faire un accueil souriant à Maltravers lorsqu’il entra, et Alice se leva avec empressement pour voler au-devant de lui. On eût dit que les anciens jours de la leçon de musique et du Meerschaum étaient revenus.

« Tout ceci est à vous, dit Alice avec tendresse, en le voyant regarder autour de lui. Maintenant je comprends enfin que l’opulence est une belle chose ! Ah ! vous regardez ce portrait ; c’est le portrait de celle qui m’a tenu lieu de votre fille. Elle est si belle, si bonne ; vous l’aimerez comme une fille. Oh ! cette lettre… cette… cette lettre… Je l’avais oubliée !… elle est au presbytère ! Il faut que j’y aille sur-le champ, et vous y viendrez aussi ; vous me donnerez des conseils.

— Alice, j’ai lu cette lettre. Je sais tout. Asseyez-vous, Alice, et écoutez-moi. C’est vous qui avez bien des choses à apprendre de moi. Dans notre jeune temps j’avais coutume de vous raconter des histoires, pendant les soirées d’hiver semblables à celle-ci ; des histoires d’amour, comme le nôtre : des histoires de vicissitudes, que nous ne connaissions que de nom à cette époque. J’en ai maintenant une à vous raconter, plus vraie, plus triste que n’étaient celles-là. Deux enfants (car ils étaient à peine autre chose), enfants par leur ignorance du monde, enfants par leur